Compte renduL’œuvre de Lucien Tesnière. Lectures contemporaines. . Berlin/Boston: De Gruyter, 2022. XIX, 480 p. ISBN 9783110715040 € 119,95
Historique de la publication
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Lucien Tesnière (1893–1954) n’a jamais cessé d’attirer l’attention depuis la parution des Éléments de syntaxe structurale en 1959. Il faut dire que cette œuvre présente plusieurs mérites: la lecture en est à première vue relativement aisée et ne requiert guère d’initiation préalable, contrairement à la grammaire générative ou à la psychomécanique du langage qui exigent un certain temps de familiarisation; elle est écrite avec un souci pédagogique constant, Tesnière n’ayant rien d’un théoricien abstrait et ayant tout au long de sa carrière manifesté un intérêt pour l’enseignement des langues vivantes et des langues mortes comme du français, ce qui se reflète dans les Éléments; enfin, la syntaxe structurale se prête très bien à la description de la langue française dans le cadre des cours de linguistique à l’université, comme en témoignent par exemple les Exercices de linguistique (1999) de Philippe Monneret, dont une partie complète, rédigée par Samir Bajrić, est consacrée à la syntaxe de Tesnière, ou, plus récemment, le petit livre de Christophe Cusimano, Grammaire-grimoire du français (2018), publié à l’Université Masaryk de Brno et qui présente les concepts-clés de Tesnière (nous avons également pu constater, à l’occasion d’un cours de linguistique générale que nous avons donné, combien la clarté de ce modèle et les stemmas étaient appréciés des étudiants). Plusieurs facteurs ont contribué à implanter la syntaxe de Tesnière dans le champ des études linguistiques: la distinction de deux ordres de la phrase, structural et linéaire, et le fait d’envisager le passage de l’un à l’autre, notamment grâce à la translation, font écho à une conception cognitive du langage et à des préoccupations épistémologiques similaires à celles que l’on rencontre chez Guillaume et chez Chomsky, mais là encore l’appareil explicatif tesniérien a l’avantage d’une certaine simplicité; la notion de valence, très largement récupérée, est au centre des préoccupations de Tesnière, tout comme la classification des verbes qui en découle; l’analyse de la phrase en termes de mini-drame où des actants jouent un rôle dans un cadre, les circonstants, est très souvent citée; enfin, la centralité du verbe, pour autant que cette dernière soit discutée, nourrit les débats. Il n’était donc pas inutile, au vu d’un tel héritage et d’une telle actualité, de se repencher sur l’œuvre de Lucien Tesnière pour en évaluer, plus de soixante ans après la publication des Éléments de syntaxe structurale, à la fois les enjeux épistémologiques et historiques comme la pertinence en ce qui concerne la description des langues. Le volume édité par Franck Neveu et Audrey Roig est ainsi le bienvenu et souligne l’intérêt persistant porté à Tesnière et à son œuvre.
Références bibliographiques
