Compte rendu
L’emprise de la grammaire. Propositions épistémologiques pour une linguistique mineure. By Nick Riemer ( Collection Langages ).
Lyon: ENS Editions, 2021. 172 p. ISBN 979-10-362-0407-4 € 21,00

Compte rendu par Sémir Badir
Historique de la publication
Table des matières

Sans doute toute approche épistémologique de la linguistique entreprend-elle de “montrer au linguiste ce qu’il fait”, selon une formule épistolaire de Ferdinand de Saussure (1857–1913) que la postérité a rendue célèbre. Il est possible toutefois, au cœur de cette entreprise, d’insister sur l’objet de la linguistique (“ce qu’il fait”), ainsi que Saussure lui-même concevait le projet de la linguistique générale, ou bien, tout différemment, de mettre l’accent sur le fait d’une pratique linguistique (“ce qu’il fait”), et dans ce cas la formule se conçoit mieux au pluriel – montrer aux linguistes ce qu’ils font, car l’évidence empirique inviterait, de prime abord, à considérer une variété, sinon même une diversité, d’intentions, de gestes argumentatifs, de styles animant les pratiques de connaissance inhérentes aux linguistes. Sauf, il est vrai, à réduire ces pratiques à un “faire science” capable de les subsumer toutes. Tel est, parfois – Nick Riemer écrirait souvent –, le type de déclaration à prétention épistémologique que l’on trouve sous la plume des linguistes les mieux intentionnés: l’idéal de la science règlerait la conduite des linguistes dans l’ensemble de leurs recherches, des choix d’objet, d’analyses, de modes d’exposition et d’enseignement. Prétention éventuellement louable mais qui a au moins le défaut de ne pas s’expliquer d’elle-même. Le dernier terme de la formule saussurienne, montrer, paraît alors tout aussi déterminant pour la caractérisation des approches épistémologiques. À prendre pour objet d’étude la pratique des linguistes, que cherche-t-on à montrer au juste? Ce qu’ils sont supposés faire, ce qu’ils devraient faire, ou ce qu’ils font réellement? Selon les deux premières options, montrer revient toujours au final à démontrer par une rationalisation théorique la nécessité de normes intégrées à la production du savoir linguistique, quand bien même leur application fait défaut dans des proportions plus ou moins appréciables; dans la troisième option, en revanche, cela consiste à rendre compte de difficultés théoriques et problèmes d’application dont l’arbitrage diversement argumenté par les linguistes justifie la diversité du champ disciplinaire même.

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