Oralité et traduction
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L’oralité est un champ de recherche qui gagne en popularité auprès des chercheurs intéressés par l’étude du passé et du présent. Au cœur de ce concept d’oralité : les pratiques culturelles et esthétiques qui découlent des traditions prémodernes, des représentations modernistes du passé ou des expressions postmodernistes artistiques, par exemple dans les médias audiovisuels. L’oralité représente des réalités et des intérêts différents selon les disciplines ou les domaines de connaissances. Pour les anthropologues et historiens, cette notion permet d’en apprendre davantage sur la culture des sociétés sans écriture ; pour les spécialistes des colonisations, elle donne un aperçu des traditions et de la culture de communautés soi-disant primitives en quête de civilisation. Pour les premiers missionnaires chrétiens, la culture orale a surtout servi le prosélytisme, même si, à une époque plus récente, les groupes évangéliques, principalement les traducteurs de la Bible, se sont plutôt intéressés à l’élaboration de bases linguistiques et littéraires destinées aux cultures de tradition orale. Pour le moderniste, le concept d’oralité sert à comparer son idéologie moderne à la tradition orale pour ainsi en mesurer tous les avantages ; pour le postmoderniste, l’oralité est importante, car elle permet une représentation esthétique de l’altérité et des identités marginales en utilisant différentes formes d’art, notamment la littérature, le cinéma, la musique et le « spoken word » (poésie orale). Ces exemples ont en commun le rôle du processus de traduction ou d’interprétation dans la manifestation de l’oralité et de la valeur subséquente qui lui est accordée. Même dans un contexte traditionnel, là où l’oralité prend toute son importance, la simple expression de récits oraux par des spécialistes du genre (griot, barde, chanteur de louanges, linguiste professionnel) est rendue possible grâce à la traduction ou l’interprétation. Les performances orales deviennent alors objets de traduction : elles doivent le plus souvent être interprétées et adaptées à des circonstances particulières. Aussi, certains récits narratifs oraux sont énoncés dans une langue occulte qui exigerait une traduction ou une interprétation afin d’être comprise par un auditoire non initié. En d’autres mots, exprimer ou représenter un discours oral, que ce soit à travers l’écriture ou la parole, demeure toujours le résultat d’un acte de traduction.