Cristina Marinetti, Kaltrina Gashi et Maud Gonne Traduction et Théâtre

Traduction
Traduction et Théâtre: De la performance à la performativité

Cristina Marinetti Cardiff University | étudiante Université de Namur |
Traduit par Kaltrina Gashi et Maud GonneCardiff University | étudiante Université de Namur |

Ces vingt dernières années témoignent d’un intérêt croissant pour l’exploration de l’intersection entre théâtre et traduction. En examinant les réflexions actuelles sur la nature de l’art dramatique et du théâtre, considérés comme des entités plus performatives que représentatives (Worthen 2003 ; Schechner 2002), cet article plaide pour une nouvelle approche des relations interdisciplinaires entre la traduction et le théâtre, à situer dans le cadre plus large des débats sur l’interdisciplinarité en traductologie (Pym 1998 ; Chesterman 2010 ; Bassnett 2012). À la lumière des différentes contributions de ce numéro spécial, la dimension sociale de la traduction ainsi que la nature performative de la culture seront mises en avant en tant que nouvelles approches productives de la traduction dans le théâtre, laquelle sera envisagée comme une pratique à la fois performative, sociale et linguistique.

Mots-clés :
  • interdisciplinarité,
  • traduction et théâtre,
  • performance,
  • agent de traduction,
  • performatif
Table des matières

1.La valeur du dialogue interdisciplinaire

L’une des dimensions les plus passionnantes d’un champ interdisciplinaire comme la traductologie est la liberté de s’aventurer dans de nouveaux territoires et de donner voix à des idées novatrices qui, autrement, resteraient tapies dans l’ombre. Cette ouverture à d’autres domaines a été cruciale non seulement pour l’établissement de la traductologie en tant que discipline indépendante (Holmes 1972 ; Snell Hornby 2006), mais également pour sa croissance et son développement comme « interdiscipline » (Pym 1998), englobant une variété sans précédent de sujets, thèmes et approches théoriques.22.Ce qui est unique au genre d’interdisciplinarité promu par la traductologie est la multitude de perspectives et de positions théoriques et idéologiques, exprimées – contrairement à la plupart des disciplines dominées par la langue anglaise – dans une variété de langues différentes. Snell- Hornby décrit cet aspect de façon pertinente en utilisant le terme allemand Blickwechsel dans sa double signification d’ « échanges de regards » (comme dans le dialogue interculturel) et de « changement de point de vue » (comme dans le changement de perspective de recherche interdisciplinaire) » (2006, 2).

En défendant la traductologie comme « interdiscipline », permettant « à toutes sortes d’échanges merveilleux d’avoir lieu », Anthony Pym est à juste titre prudent et, comme à son habitude, direct ; il attire l’attention sur le fait que le succès de la traductologie, au cours des dernières années, a peut-être plus à voir avec « sa polysémie glissante qu’avec toute autre valeur disciplinaire » (Pym 1998, 198). Dans une certaine mesure, l’ambiguïté sémantique va de pair avec l’étude de « l’ensemble des problèmes groupés autour du phénomène de la traduction et des traductions » (Holmes 1972/2000, 173). Cependant, le nombre impressionnant de notions et usages actuellement associés au terme traduction (au sein comme à l’extérieur de la discipline) a engendré, à raison, l’anxiété des traductologues et donné naissance à une controverse animée.33.Le forum sur la « traduction culturelle » dans la revue Translation Studies (Routledge) illustre quelques-uns des points conflictuels du débat, surtout ceux qui concernent les dangers de l’utilisation de la traduction dans un sens métaphorique, un phénomène qui a tendance à se produire en dehors de la discipline. Les réponses de Tymoczko (2010) et Chesterman (2010) sont particulièrement intéressantes de ce point de vue.

En tant que manifestation récente de cette controverse, le numéro spécial de Target, dirigé par Brems, Meylaerts et van Doorslaer (2012), a placé indépendance et ouverture aux deux extrémités du débat. Dans un mûr examen de la position actuelle de la discipline – qui assume son passé tout en se tournant vers l’avenir – les éditeurs du numéro spécial situent la traductologie dans une zone de tensions entre le désir « de s’émanciper des disciplines voisines et de l’industrie » et « la nécessité de rester dynamique et viable » (6). C’est là que semble résider le paradoxe de la traductologie : si un certain degré d’indépendance intellectuelle est vital pour sa survie, une plus grande ouverture est nécessaire pour relever les défis posés par les nouveaux contextes de traduction. Ainsi, nous venons à peine de commencer à tracer les effets de la technologie sur nos rapports aux autres et sur notre façon de penser et de communiquer. Or il s’agit là d’activités primordiales pour la traduction (Cronin 2013). De plus, comme les comparatistes et spécialistes de la littérature mondiale nous le rappellent, nous sommes toujours à la recherche des clés de compréhension des configurations éthiques et politiques de l’écriture multilingue et interculturelle (Meylaerts 2006 ; Bassnett 2012). Dans l’ensemble, je partage l’avis de Susan Bassnett qui nous apprend que, pour imaginer ces nouveaux mondes, « nous avons besoin de nouveaux circuits qui englobent plus de disciplines, plus de moyens de lire » (2012, 23 ; en italique dans l’original). Cependant, l’ouverture à de nouvelles approches devrait toujours être pondérée par une prise de conscience des dangers associés aux emprunts terminologiques et aux extensions métaphoriques, en particulier lorsqu’il s’agit des termes centraux (la traduction par exemple), puisqu’ils peuvent « brouiller les pistes » et plus important encore, masquer les différences éthiques et, par conséquent, « entraver plutôt qu’enrichir la communication entre les disciplines » (Chesterman 2010, 105). La métaphore quelque peu inhabituelle de Bassnett pour l’interdisciplinarité, vue comme une série de « circuits et champs électriques », est empruntée à l’étude novatrice de la circulation de Bunyan en Afrique (Bassnett 2012, 23). Elle convient cependant à la traductologie puisqu’elle réfère à l’une des impulsions fondamentales qui poussent les traducteurs à agir : celle d’établir des liens (entre le passé et le présent ; entre pays éloignés et visions du monde différentes). Une telle conception de la traductologie comme interdiscipline promeut la circularité et l’ouverture, favorisant le progrès intellectuel via le dialogue et les relations plutôt que via la révolution et le conflit.

C’est donc dans un double élan de prudence et d’enthousiasme que nous nous sommes risqués, dans ce numéro spécial, à redéfinir la traduction du théâtre d’une façon qui, nous l’espérons, ouvrira de nouvelles voies de communication entre la traduction et les études théâtrales. Plus connue, de façon injuste, comme « le parent pauvre de la traductologie » (Lefevere 1992a, 178), la traduction du théâtre a souvent été décrite comme l’une des zones les plus sous-étudiées de la traductologie en raison de sa position hybride entre, d’une part, les littéraires et les linguistes (centrés sur le texte théâtral en tant que littérature) et, d’autre part, les spécialistes du théâtre (plus intéressés par les questions sémiotiques et par la nature du signe théâtral). Au lieu de plaider en faveur d’une interprétation de la traduction du théâtre comme un sous-champ de la traductologie, mon argument ici, soutenu par les autres contributions de ce numéro spécial, est de considérer l’association « Traduction et Théâtre » comme l’un des « nouveaux circuits » révélés par Bassnett.

2.Traduction dans le théâtre : Art dramatique, performance et performativité

Ces vingt dernières années ont vu un intérêt croissant pour l’exploration de l’intersection entre théâtre et traduction.44.Parallèlement aux monographies et aux volumes collectifs cités dans cet article, ces cinq dernières années ont vu une multiplication de colloques dédiés à l’interface entre le théâtre et la traduction (Vienne 2008, Verone 2010, Belfast 2011, Salford 2013 pour ne citer que les plus importants) ainsi que des numéros spéciaux et des forums : Theatre Journal (2007), Journal of Romance Studies (2008), Practitioners Voices in Classical Reception (2010), Contemporary Theatre Review (2011). Un groupe de travail dédié à la traduction a été intégré à la International Federation for Theatre Research (IFTR) et Adam Versény a fondé un superbe journal en ligne, dédié entièrement au travail des traducteurs de théâtre (The Mercurian, http://​drama​.unc​.edu​/mercurian​.html). Suite à l’internationalisation des agents et des pratiques du théâtre contemporain, la traduction a pris une position centrale non seulement comme outil de négociation des contacts culturels dans la pratique théâtrale (Baines, Marinetti et Perteghella 2010 ; Zatlin 2005), mais également comme espace de construction et de diffusion d’images de l’étrangéité et de l’altérité par excellence (Curran 2007). J’ai soutenu autre part que les pratiques de traduction se sont répandues dans le théâtre contemporain d’une manière qui dépasse la seule traduction de textes : de l’esthétique de performance des entreprises multilingues à l’utilisation d’interprètes dans les productions multiculturelles, en passant par un nombre accru de productions en langues étrangères circulant avec des surtitres (Marinetti 2013). Et pourtant, malgré l’intérêt croissant pour le sujet, les progrès dans ce que Bassnett déplore comme « l’absence de théorie dans ce domaine » semblent plus insaisissables que jamais.

Réaliser un compte rendu, même superficiel, des études touchant de près ou de loin à la traduction de théâtre au cours des dernières années serait une tâche gargantuesque. Ce qui m’intéresse principalement ici est de reconnaître la transition, qui s’est produite dans les études de théâtre, d’une conception représentative de l’art dramatique et du spectacle (signifiant quelque chose) vers une conception performative (qui transforme les régimes de signification existants). Il s’agit bien évidemment d’une importante réorientation théorique des sciences humaines qui a fortement influencé la recherche, notamment en études culturelles et en études de genre. De telles réorientations ont été prises en compte en traductologie, en particulier en relation avec l’explication des notions d’identité (Simon 1996 ; Gentzler 2008). Cependant, le concept de performativité lui-même doit encore être entièrement reformulé par rapport à la traduction. Une telle articulation dépasserait les limites de cet article, qui veut simplement reconnaître son importance pour les futurs dialogues interdisciplinaires entre traductologie et études théâtrales. Mes références à des recherches antérieures seront donc nécessairement limitées et focalisées sur les aspects qui me permettent d’établir la base de cette transition, depuis les notions générales de performance vers le performatif.

Dans son bilan informatif des tendances principales dans la traduction du théâtre par rapport aux grands tournants de la traductologie, Mary Snell-Hornby (2007, 109–116) identifie trois approches théoriques principales : l’approche sémiotique, l’approche holiste et l’approche socioculturelle. Tant l’approche sémiotique que l’approche holiste se concentrent sur la « jouabilité »55.Traduction française proposée par Cristina Marinetti. (ou, en allemand, Spielbarkeit) comme critère principal tant pour l’analyse que pour l’évaluation de la traduction dans le théâtre. Proche des théories d’équivalence, qui la considèrent comme un prolongement de la « traduisibilité », la « jouabilité » a été dénoncée par les approches socioculturelles comme étant un concept historiquement déterminé (Bassnett 1991, 104–105), suggérant par là-même qu’elle devrait être comprise moins comme un critère de qualité que comme un indicateur de relations de pouvoir (Bassnett 1998 ; Aaltonen 2000).66.Pour un compte rendu complet du débat sur la « performabilité », voir Espasa (2000) ; concernant ses racines sémiotiques, voir Marinetti (2005). Dans leur riche et captivante introduction à la collection la plus récente d’essais sur la traduction du théâtre, Silvia Bigliazzi, Peter Kofler et Paola Ambrosi ont préparé le terrain pour « l’état actuel de la traduction du théâtre » (2013, 4) en la localisant de manière convaincante dans un carrefour entre la littérature et la performance, entre les pluralités de production et de reproduction textuelles, ce qu’André Lefevere aurait appelé « réécriture » (Lefevere 1992b) et « pouvoir créateur » de la performance. Bien que la relativité de l’interprétation et la pluralité des lectures aient grandement été mises en exergue en traductologie depuis le tournant culturel des années 1990 (Marinetti 2011), la performance en tant que concept est beaucoup moins ancrée et requiert un nouveau schéma de pensées.

Les études théâtrales ont depuis longtemps repensé la notion de performance en dehors de ses racines sémiotiques (qui la voient comme un texte à lire en fonction d’une multitude de systèmes de signes) et l’ont étendue à un phénomène englobant toutes formes de représentation culturelle. « La performance », comme le rappelle Marvin Carlson, est un « concept essentiellement contesté » qui, au sens le plus large, peut référer à « toute activité consciente » (Carlson 2003, 4–5). Tout comme la traduction, la performance est une activité gouvernée par le social. Autrement dit, une action devient une performance lorsque les conventions sociales et historiques, l’usage et la tradition la qualifient comme telle. Selon Richard Schechner (2002, 21), un des fondateurs des études de la performance, celle dernière est un outil fondamental à travers lequel nous pouvons comprendre le monde non « comme un livre qui doit être lu, mais comme une performance à laquelle nous pouvons, voir même devons, participer ». L’avantage d’un tel point de vue est qu’il nous permet d’aborder des phénomènes culturels – tels que les arts du spectacle, le sport ou la vie quotidienne – d’une manière qui ne nous lie pas aux modèles de l’écrit et de l’imprimé. La caractéristique, relative à la performance, d’être performatif expose l’ « agentivité », par laquelle les signes culturels ne sont ni lus ni transmis par des médiateurs, mais construits et co-construits « en action, interaction et relation » (24).

Issu initialement de la théorie de l’acte de langage d’Austin, la notion de performativité au sein des études culturelles émane de la conceptualisation du genre. Selon Judith Butler, qui considère la performativité comme une caractéristique de l’« anticipation » et de l’« itération » (2006, xv), toute forme d’identité – féminine par exemple – n’est pas une vérité interne, mais plutôt un phénomène produit et reproduit à travers le langage et autres formes culturelles, devenant donc naturalisé et accepté comme inhérent. Cette considération nous est utile car elle nous permet de poser différentes questions relatives, non pas à la mesure dans laquelle une performance représente un texte traduit, ou bien dans laquelle un texte théâtral est jouable, mais à la force que le texte possède dans la performance : ce que ce texte « fait » et comment il fonctionne « en tant que performance » (Schechner 2002, 32). De ce point de vue, les textes théâtraux n’ont plus de signification à communiquer mais une « force performative » (Worthen 2003, 9–13) transmise et transformée dans une série d’« itérations » (Butler 2006) ou, pour utiliser un terme plus commun en traductologie, réécritures. Plutôt que d’être déterminée par le texte, la performance théâtrale est « supposée encadrer, contextualiser et déterminer les significations possibles que ce texte peut fournir comme action ‘performée’, comme un acte de force » (Worthen 2003, 25). Les textes dramatiques « pourraient être ‘performés’ avec une force théâtrale significative à travers un large éventail de comportements de scène » dont beaucoup appartiennent à des « sphères culturelles qui dépassent largement les circonstances de leur représentation théâtrale d’origine » (25). L’intérêt d’appréhender la traduction comme performative est de placer originaux et traductions, textes sources et cibles, textes dramatiques et représentations théâtrales sur le même continuum. Dès lors, ce n’est pas le degré de distance vis-à-vis d’un original ontologique qui compte, mais l’effet que procure ce texte reconfiguré (en tant que performance) sur la culture réceptrice ainsi que ses réseaux de transmission et de réception.

Afin de lier ma réflexion sur la performance et la performativité aux thèmes généraux de ce numéro spécial et de montrer comment ces concepts soutiennent les articles qui le constituent, je vais maintenant donner deux exemples de la façon dont une compréhension performative de la traduction peut radicalement changer notre approche de la traduction dans le milieu du théâtre. Les exemples sont tirés de deux domaines qui ont été au cœur des discussions passées sur la traductologie : le rôle des spectateurs et le problème du dialecte.

Une compréhension performative de la traduction dans le théâtre implique, d’une part, une reconceptualisation du rôle joué par le spectateur et, d’autre part, une reconsidération des notions plus générales de réception. Johnston, dans ce numéro thématique, expose la résistance « potentielle » du spectateur qui n’est pas basée sur des normes ou des attentes restrictives, mais qui fait partie d’une action « co-créative », l’expérience d’une représentation en direct. L’option de « writing forward » suggérée par Johnston nous donne l’occasion de voir les traductions comme une série de lectures ouvertes, en négociation avec l’ensemble de la procédure de mise en scène et de réception. La traduction, comprise dans ce sens, ajoute une richesse dimensionnelle à la performance en direct devenant, selon Johnston, « un processus constitutif de la mise en scène » (p. 336 de ce numéro spécial). À défaut d’aborder la question du rôle du spectateur en tant que commentateur plutôt que praticien, Hardwick en arrive à des conclusions similaires, suggérant qu’en s’engageant dans la production, les spectateurs – tantôt collectivement, tantôt individuellement – sont des agents de traduction, mais aussi des lieux de transformation des discours culturels et éthiques.

Les discussions sur la traduction des dialectes dans le théâtre témoignent de préoccupations linguistiques, stylistiques ou socio-culturelles. Le problème du dialecte dans le théâtre a été soit résolu, grâce à différentes options qui rendraient ou recréeraient des caractéristiques linguistiques, stylistiques ou théâtrales de la parole sur scène, soit décrit selon le rôle politique que la traduction de dialectes a historiquement joué en donnant voix aux minorités.77.Pour des informations bibliographiques à propos de la traduction du dialecte et une vue d’ensemble des opinions sur la question du dialecte dans la traduction théâtrale, voir ma thèse de doctorat non publiée (Marinetti 2007, 51–52, 198–211). Ladouceur et Hardwick, qui voient la traduction comme performative et donc fondamentalement transformative et relationnelle, démontrent dans ce numéro que le dialecte peut être utilisé dans le théâtre pour créer un espace promouvant la communication et la compréhension au travers des cultures et du temps. Alors que le dialecte du Yorkshire, dans l’exemple d’Hardwick, a créé « des associations compréhensives » entre la peste qui a frappé la ville de Thèbes d’Œdipe et l’épidémie de maladies du pied et de la bouche, les esthétiques bilingues du dialecte franco-manitobain dans l’exemple de Ladouceur créent un espace pour la reconnaissance d’une langue (et d’une identité) hybride(s), qui devient un moyen d’autoreprésentation et de reconnaissance. Les deux exemples démontrent, avec une grande pertinence, que la traduction dans le monde du théâtre n’est pas seulement un lieu de représentation de l’altérité, mais aussi un lieu de transformation de la conscience et de développement des similitudes de compréhension.

Au lieu de chercher une théorie générale (ou un ensemble de théories) abstraite(s) et englobante(s) de la traduction du drame ou du théâtre, je crois qu’une approche plus réaliste et plus fructueuse consisterait à étudier la traduction dans le théâtre dans ses diverses manifestations, incluant la traduction de la pièce de théâtre sur papier et destinée à la performance, mais aussi la traduction en tant que pratique linguistique, culturelle, littéraire, sociologique, historique, idéologique et esthétique. Le but dans ce cas ne serait pas de construire de nouveaux paradigmes révolutionnaires ou des cadres de référence qui suppriment tout ce qui précède, mais plutôt d’offrir de nouveaux concepts (tels que la notion de performativité) à utiliser à côté d’autres outils analytiques existants (l’analyse linguistique, sémiotique et culturelle). Ceci nous permettra d’étendre les connaissances actuelles tout en reconsidérant nos terminologies, concepts et méthodologies, et d’ouvrir un dialogue avec d’autres disciplines qui partagent un intérêt théorique pour la traduction et le théâtre.

3.Ce numéro spécial

Les contributions recueillies dans ce numéro spécial explorent le rôle de la traduction dans le monde du théâtre dans plusieurs langues – du français canadien (Ladouceur) au finnois (Aaltonen) – plusieurs contextes culturels – de la Grande-Bretagne contemporaine, à l’Egypte (Hardwick) en passant par la Chine (O’Toole) – et plusieurs traditions théâtrales – du siècle d’Or espagnol (Johnston) à la production interculturelle contemporaine (O’Toole). Tout comme dans cette introduction, les articles cherchent aussi bien à reconsidérer et reformuler la nature et le rôle de la traduction dans le théâtre qu’à offrir de nouvelles perspectives et des outils intellectuels pour la compréhension de la traduction (comme un concept, une pratique et un produit culturel). Grâce à l’approche interdisciplinaire, les contributeurs expérimentent et combinent différents angles théoriques et modes d’investigation (aussi bien historiques, sociologiques, ethnographiques et esthétiques que pratiques et expérientielles). Tout en se fondant sur leurs contextes spécifiques, les articles abordent des questions situées au cœur des discussions traductologiques actuelles : le rôle changeant du traducteur dans un marché culturel mondialisé (O’Toole, Aaltonen) et les dimensions éthiques des activités de traduction (Johnston) – particulièrement celles impliquées dans la pratique collaborative (Ladouceur, O’Toole, Hardwick), dans l’idée que les traductions sont des espaces « conflictuels » entre discours esthétiques et culturels en concurrence (O’Toole, Hardwick), dans la valeur de la pratique de la traduction théorique (Johnston, Aaltonen) et, enfin, dans les défis posés par le multilinguisme et l’interculturalité aux concepts et modèles de la traduction (Ladouceur).

Dans le premier article qui pose les bases des « nouveaux circuits » (Bassnett 2012, 23) entre la traduction et les études classiques, Lorna Hardwick questionne le rôle de la traduction dans la promotion et la perturbation du dialogue entre le monde antique et le monde moderne. La traduction, au sens large de « voyage textuel », apporte des défis particuliers lorsqu’on aborde des formes théâtrales aussi éloignées (et pourtant fondatrices) que celles de la tragédie grecque. Comment la force culturelle et théâtrale du chœur grec (choreuein) dans l’Œdipe Tyrannos et l’Antigone de Sophocle peut-elle être communiquée à un public moderne? La réponse d’Hardwick est à la fois optimiste et nuancée. La transmission du drame grec se produit de plusieurs façons : à travers des styles de traduction qui varient en fonction du ton et de l’idiome et dans les négociations entre la poésie et la prose, mais aussi, comme le montre l’analyse minutieuse des choix faits dans différentes productions, à travers le développement d’« associations compréhensives » entre le monde antique et les sensibilités modernes.

L’étude d’Hardwick souligne la façon dont les différentes décisions du traducteur promeuvent et/ou perturbent la communication entre les mondes du texte ancien et du public moderne. Dans ses analyses des traductions, qui souvent impliquent la collaboration entre hellénistes et dramaturges, nous voyons comment des concepts complexes et intraduisibles du monde ancien – tels que la notion de philia (amitié, amour, famille, lien, alliance) – sont négligés et non traduits dans le script, mais transmis avec succès au public via d’autres éléments de la performance (comme le décor et l’éclairage). Les modifications apportées au contexte de la production affectent également la réception de la traduction. Lorsque la traduction d’Antigone de Timberlake Wertenbaker a été présentée à un public égyptien au Caire peu après le 11 septembre, elle a acquis une force performative ne provenant ni du texte source ni du contexte cible, mais de la résonance entre la situation politique de la performance initiale et l’aggravation du conflit israélo-arabe.

« La dynamique de la traduction transculturelle » permet alors à la voix des textes anciens de voyager non seulement à travers le texte – en dialogue avec le traducteur ou le dramaturge moderne – mais aussi dans la performance, au travers de dialogues créatifs et productifs avec le réalisateur, le designer, les acteurs et les spectateurs. Ici, la description d’Hardwick de la traduction dans le théâtre rappelle, d’une part, la notion de Sirkku Aaltonen du « temps partagé » des textes de théâtre (2000, 28) qui souligne l’agentivité des différents participants du processus de traduction et de mise en scène et, d’autre part, la théorie de réécriture de Lefevere, d’après laquelle l’œuvre d’un écrivain « gagne en visibilité et en influence principalement par le biais de malentendus et de méprises » (Lefevere 1982, 4). Ces malentendus et méprises ne doivent pas être compris comme des déviations (culturelles, linguistiques ou idéologiques) d’une source originale, mais comme des transformations productives inhérentes à la nature performative de la culture et de sa transmission.

La contribution de Louise Ladouceur prend aussi comme prémisse la nature performative de la culture et explore la façon dont la traduction dans le théâtre peut contribuer à l’articulation, mais aussi (et peut-être surtout) à la construction d’une identité bilingue franco-canadienne. En analysant la traduction et la production de la trilogie de pièces bilingues Suite manitobaine de Roger Auger, Ladouceur découvre le potentiel de différents types de « stratégies de transposition sur scène » qui améliorent mais aussi co-créent l’esthétique bilingue des pièces. Son analyse montre comment les surtitres sont utilisés comme outils créatifs, offrant un récit alternatif à celui du texte prononcé et multipliant les lectures possibles générées par la représentation. De plus, en plaçant le sous-titreur sur scène et en le faisant interagir avec les autres acteurs, la traduction devient visible au public comme une composante de la performance ; elle ajoute ainsi une dimension bilingue supplémentaire aux pièces d’Auger et donne la parole à l’expérience hybride de ses personnages.

Une théorie de la traduction du théâtre, basée sur une compréhension sémiotique du processus de traduction (Bassnett 1990, 1998 ; Snell-Hornby 2007) et exigeant des distinctions nettes entre ce qui constitue les textes dramatiques et les textes théâtraux, ne suffit plus pour des contextes tels que ceux décrits par Ladouceur. En effet, la traduction inter-linguistique n’apparaît pas dans le texte dramatique mais dans la performance elle-même. Contrairement aux textes dramatiques (qui existent par eux-mêmes), les dispositifs de traduction sur scène « sont strictement performatifs dans le sens où ils n’existent que par la performance » (p. 357 de ce numéro spécial).

Dans un glissement de l’esthétique à l’éthique, David Johnston aborde la traduction dans le théâtre par la double perspective de la théorie et de la pratique. Johnston, qui est à la fois traducteur et traductologue, décrit le texte comme un « objet point », à la fois « porteur d’informations » mais aussi, et surtout, « physiquement génératif ». Faisant écho au rejet, par Walter Benjamin, de la traduction comme une communication d’information, il nous encourage à considérer les textes comme des processus de compréhension, de questionnement et de ce qu’il appelle « writing forward ». L’analyse approfondie de ses propres choix de traduction dans un certain nombre de productions de l’Âge d’Or dans le monde démontre comment une compréhension performative de la traduction, mettant en avant l’agentivité et la transformation, est fructueuse non seulement pour les approches historiques, esthétiques et littéraires, mais également pour la pratique et l’herméneutique.

L’article de Sirkku Aaltonen est le plus ouvertement interdisciplinaire vu qu’il tente de comparer le cadre d’analyse de Schechner (2002) des phénomènes culturels et l’approche sociologique de la traduction. En empruntant la notion latourienne de production, Aaltonen développe une interprétation profondément relationnelle de la traduction dans la société tout en fournissant une description détaillée du processus de production de la version finnoise de la pièce Incendies de l’auteur franco-libanais Wajdi Mouawad. L’originalité de cette contribution réside dans la tentative d’esquisser un modèle de comparaison entre les différentes versions du texte de la pièce de théâtre et les différents rôles joués par les participants dans le processus de traduction. Les questions de pouvoir et de confiance sont inhérentes au processus de traduction et démontrent l’importance de l’analyse approfondie du comportement social et de l’interaction – tirée du cadre de performance de Schechner – pour les recherches en traduction et pour l’étude des pratiques textuelles. Aaltonen suggère que les futures recherches devraient d’avantage approfondir l’angle sociologique en complétant la description détaillée du processus (à partir de documents et d’interviews) avec l’observation ; un exemple en serait l’étude exploratoire de Marinetti et Rose (2013).

Dans l’article final, Emer O’Toole fait appel à une sociologie d’une tout autre nature et explore, de manière hautement théorique, les concepts bourdieusiens d’habitus et de capital culturel dans le contexte de la pratique théâtrale interculturelle. En suivant le parcours d’une entreprise de théâtre irlandaise jusqu’à Pékin (où elle donna une version en mandarin de la pièce de J. M. Synge intitulée Le playboy du monde occidental [The Playboy of the Western World]), O’Toole montre comment la traduction, dans le contexte d’un théâtre interculturel, est ou peut devenir un site concurrentiel de discours culturels, éthiques et esthétiques. Un conflit émerge en effet, après une délocalisation de la pièce de théâtre vers un « salon de coiffure/ salle de massage/ maison close » dans l’actuel Pékin, entre le réalisateur (Gavin Quinn) et les traducteurs chinois (Yue Sun et Zhaohui Wang). La querelle concerne l’appartenance ethnique du personnage principal. L’analyse sensible et minutieuse du travail de terrain et des entretiens montre comment les choix des traducteurs sont tout sauf des solutions simples aux problèmes linguistiques ou sémiotiques et comment ils dissimulent de multiples couches de sensibilités culturelles et ethniques, et de croyances éthiques et esthétiques soutenues par une lutte de pouvoir.

O’Toole nous apprend que, dans le contexte de la traduction dans le théâtre, l’agent peut opérer au sein d’un champ dans lequel sa propre accumulation de capital ne lui permet pas d’agir suivant les structures de l’habitus ; dans ces contextes, les processus de traduction peuvent être plus facilement analysés en termes de capitaux, les structures sociales du champ restreignant les structures incarnées de l’agent (habitus). L’analyse d’O’Toole, élaborée en premier lieu au sein d’un paradigme d’études théâtrales et de performance, part d’une lecture de Bourdieu qui privilégie l’habitus plutôt que la structure – une tendance apparemment dominante en traductologie.88.Cette tendance à privilégier l’habitus au capital est visible, entre autres, dans Inghilleri (2005) et dans Wolf et Fukari (2007). Une perspective externe du « tournant sociologique » en traduction peut nous aider à reconsidérer le rejet facile des théories antérieures (par exemple celles basées sur les notions de normes et de polysystèmes) et à les réexaminer à la lumière à la fois d’une nouvelle attitude critique – affûtée par les confrontations interdisciplinaires – et de données empiriques émanant de nouveaux types de matériaux qui remettent en question les modes traditionnels d’analyse.

4.Conclusion : Et après ?

On associe, depuis des décennies, la traduction du théâtre à la métaphore du « labyrinthe ». Elle représente, d’une part, le statut ambigu de l’art dramatique et du langage et, d’autre part, leur lien avec la performance (Bassnett 1998). Les cinq articles de ce numéro démontrent que, bien que nous ayons trouvé plusieurs façons de sortir de ce labyrinthe, il nous faudra trouver des concepts plus flexibles et des approches plus englobantes pour appréhender l’interface entre le théâtre et la traduction dans le contexte actuel d’un monde de plus en plus performatif. Chacun des articles dévoile le glissement des idées de théâtre et de traduction au travers d’une série de frontières.

Dans cet article et dans les contributions qui suivent, nous avons commencé à établir de « nouveaux circuits » entre la traduction et le théâtre « à travers le labyrinthe » des nouvelles formes théâtrales mondialisées et multilingues au carrefour de la culture, de la langue et de la performance. Reconnaître la force de la performance et s’engager dans la notion de performativité en particulier peut ouvrir de nouvelles voies dans le développement d’une recherche sur le théâtre et la traduction plus consciente des problèmes de pouvoir et d’identité, mais aussi de l’herméneutique de la pratique théâtrale. Je crois que, grâce à ces nouveaux espaces de confrontation interdisciplinaire, nous pouvons plus clairement formuler les positions diverses et mieux pressentir la richesse conceptuelle de la traduction et de la performance dans un mouvement dialogique bidirectionnel qui à la fois enrichit et met à l’épreuve la terminologie, les méthodologies et les définitions des études de la traduction, du théâtre et de la performance.

Un futur champ de recherche pourra s’atteler à évaluer la pertinence des concepts de performance et de performativité dans d’autres domaines de la traductologie, notamment ceux qui ont trait aux médias et aux nouvelles technologies. La performativité et la force performative sont des concepts particulièrement utiles dans ce monde où les nouvelles technologies défient, plus vite que jamais, les frontières du théâtre et de la traduction. La performance en direct, par exemple, est désormais profondément liée à la technologie, d’une façon qui modifie notre compréhension de la diffusion culturelle. Comme le formule Canning (2013, 2) de façon convaincante :

Le théâtre n’est plus constitué par les limites physiques du direct. Au lieu de cela, il peut être tweeté, envoyé par message, affiché sur YouTube, diffusé et livré par une foule d’autres moyens électroniques. Les spectateurs locaux peuvent se transformer en un public mondial.

Relire l’argument de Pym du début de cet article dans le contexte actuel de l’édition à accès libre et de la révolution digitale dans les sciences humaines (à relier à la nature performative de la culture et de la traduction) nous invite à nous demander si la critique de la « polysémie glissante » ne pourrait finalement pas constituer la véritable valeur culturelle (et fondamentale) de la traductologie plutôt que sa faiblesse ; ne pourrait-elle pas même devenir, sous des formes nouvelles, passionnantes et (surtout) inattendues, la force motrice de la discipline dans les années à venir ?

Remerciements

J’aimerai exprimer ma gratitude envers Susan Bassnett pour ses encouragements et son aide tout au long de ce projet. Ses écrits pionniers et sa passion pour la traduction et le théâtre ont inspiré une nouvelle génération de chercheurs, ouvrant ainsi la voie aux dialogues interdisciplinaires visés par les contributions de ce numéro spécial.

Notes

1.Une première version de cette traduction a été réalisée par Kaltrina Gashi dans le cadre de son travail de fin de cycle en «  Langues et littératures modernes : orientation germanique  » à l’Université de Namur (année académique 2016–2017), et ce sous la direction de Dirk Delabastita. Le texte a été revu par Maud Gonne, chercheuse postdoctorale FNRS au Département de Langues et littératures germaniques de l’Université de Namur.
2.Ce qui est unique au genre d’interdisciplinarité promu par la traductologie est la multitude de perspectives et de positions théoriques et idéologiques, exprimées – contrairement à la plupart des disciplines dominées par la langue anglaise – dans une variété de langues différentes. Snell- Hornby décrit cet aspect de façon pertinente en utilisant le terme allemand Blickwechsel dans sa double signification d’ « échanges de regards » (comme dans le dialogue interculturel) et de « changement de point de vue » (comme dans le changement de perspective de recherche interdisciplinaire) » (2006, 2).
3.Le forum sur la « traduction culturelle » dans la revue Translation Studies (Routledge) illustre quelques-uns des points conflictuels du débat, surtout ceux qui concernent les dangers de l’utilisation de la traduction dans un sens métaphorique, un phénomène qui a tendance à se produire en dehors de la discipline. Les réponses de Tymoczko (2010) et Chesterman (2010) sont particulièrement intéressantes de ce point de vue.
4.Parallèlement aux monographies et aux volumes collectifs cités dans cet article, ces cinq dernières années ont vu une multiplication de colloques dédiés à l’interface entre le théâtre et la traduction (Vienne 2008, Verone 2010, Belfast 2011, Salford 2013 pour ne citer que les plus importants) ainsi que des numéros spéciaux et des forums : Theatre Journal (2007), Journal of Romance Studies (2008), Practitioners Voices in Classical Reception (2010), Contemporary Theatre Review (2011). Un groupe de travail dédié à la traduction a été intégré à la International Federation for Theatre Research (IFTR) et Adam Versény a fondé un superbe journal en ligne, dédié entièrement au travail des traducteurs de théâtre (The Mercurian, http://​drama​.unc​.edu​/mercurian​.html).
5.Traduction française proposée par Cristina Marinetti.
6.Pour un compte rendu complet du débat sur la « performabilité », voir Espasa (2000) ; concernant ses racines sémiotiques, voir Marinetti (2005).
7.Pour des informations bibliographiques à propos de la traduction du dialecte et une vue d’ensemble des opinions sur la question du dialecte dans la traduction théâtrale, voir ma thèse de doctorat non publiée (Marinetti 2007, 51–52, 198–211).
8.Cette tendance à privilégier l’habitus au capital est visible, entre autres, dans Inghilleri (2005) et dans Wolf et Fukari (2007).

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Adresse de correspondance

Cristina Marinetti

Cardiff University

School of European Languages, Translation and Politics

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