Dans les années 1990, dans la foulée du tournant majeur vers les études culturelles pris par les sciences humaines (voir Tournants de la traductologie), certains traductologues se sont distanciés du paradigme dominant de la traductologie descriptive, pour s’intéresser aux disparités de pouvoir présentes dans les textes et en traduction. Afin de lutter contre les injustices sociales et géopolitiques, on a donc préconisé des pratiques traductives particulières. Venuti (1995), par exemple, a démontré qu’en raison de l’hégémonie des États-Unis et, par conséquent, de la langue anglaise, non seulement la proportion de textes traduits au sein du marché du livre anglophone était minime, mais la traduction fluide de ces derniers renforçait les valeurs hégémoniques de la culture cible. Il a donc mis en avant des pratiques traductives moins fluides, préconisant des formulations étranges, calquées sur les expressions du texte source ou encore l’usage de discours marginalisés dans la culture cible. D’autres pratiques non fluides ont aussi été prônées par des féministes (voir Genre et traduction) et des théoriciens postcoloniaux de la traduction (p. ex. Lotbinière-Harwood 1991; Niranjana 1992) afin de lutter contre des positions dominantes et répressives, en plus de mettre en relief des discours alternatifs et complexes. Il s’agissait de rendre visibles les traducteurs et leurs traductions.
Références
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